Il y a dix ans, cela paraissait inconcevable mais aujourd’hui la perspective des véhicules autonomes sur nos routes est sérieusement abordée… Mais entre disparition dans certains pays et couacs insolites, ces nouveaux moyens de mobilité qui s’annonçaient comme le futur de l’automobile semblent freiner sur l’autoroute du succès.
« Il y a 4 ou 5 ans, je ne pouvais pas faire une conférence sans parler de véhicule autonome. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas » s’amusait Emmanuel Ravalet, associé-fondateur de Bureau Mobil’Homme (un cabinet de conseil dans le domaine de la mobilité) au micro de France Info. En France, par exemple, la société Navya (qui avait notamment déployé des navettes autonomes à la Défense) a été déclarée en cessation de paiement.
Lenteur des véhicules, fausses alertes, bugs… on vous résume les 5 raisons expliquant l’absence des véhicules autonomes sur nos routes aujourd’hui et pour encore quelques années.
Retrouvez : véhicules autonomes et électriques, les innovations de Valeo
La navette plus lente qu’un piéton
Avant d’aller observer du côté des États-Unis, observons ce qui s’est passé en France. Le constructeur Navya avait déployé des navettes autonomes sur le parvis de la Défense en 2018. Leur but était de transporter les clients de la galerie marchande vers le CNIT (et inversement). On passera le fait qu‘il n’y ait qu’une petite centaine de mètres entre les deux bâtiments et que l’intérêt du moyen de locomotion s’en trouve fortement réduit.
Le véritable problème ici réside dans l’excès de sécurité du véhicule. Cela peut sembler bizarre de blâmer la sécurité et pourtant : la navette est connue pour s’arrêter à chaque fois qu’elle rencontre un obstacle. Si vous visualisez la densité de piéton à la Défense, vous devriez vite comprendre que la petite navette autonome ne cesse d’interrompre son périple et que le trajet d’une simple centaine de mètres devient un véritable parcours du combattant…
Piétons et pigeons sont toujours de la partie pour freiner la navette – on ose à peine vous mentionner les nombreuses activités, stands temporaires et marchés qui s’installent fréquemment sur le parvis et qui accentuent la fréquentation du lieu…
Crédit photo ©Paris La Défense
Les passagers créent de fausses alertes
La société Waymo a développé à San Francisco des taxis autonomes permettant aux locaux de se déplacer plus facilement en ville. Le passager n’a rien d’autre à faire que de regarder la route et s’il reste inactif trop longtemps, le système de la voiture lui demande de se manifester vocalement.
Moins le passager est actif dans le véhicule, plus la tentation de dormir est grande… Malheureusement, le sommeil n’est pas sans conséquence et si un utilisateur ne répond pas à la demande de la voiture, elle contacte automatiquement le 911 – supposant que son hôte n’est plus apte physiquement à répondre et se trouve potentiellement en danger.
Cet appel devient réellement problématique lorsque les secours interviennent et y trouvent un passager somnolent qui ne risque absolument rien. Depuis décembre 2022, cette situation s’est déjà produite 3 fois…
Au-delà l’encombrement des services de secours, ces siestes sont aussi dangereuses sur la route, car, si le véhicule autonome venait à avoir une conduite dangereuse, le conducteur endormi serait dans l’incapacité de modifier la trajectoire de son véhicule…
Les véhicules ne regardent pas assez bien la route
Si les véhicules autonomes sont bien formés pour identifier les voitures, les piétons ou les animaux, ils restent limités concernant les autres objets qui peuvent se trouver sur la chaussée. 2 incidents survenus à San Francisco récemment ont permis de le prouver.
Dans le premier incident survenu en juin 2022, des pompiers intervenaient sur un incendie et le véhicule autonome a roulé sur le tuyau qui traversait la route… Dans de très rares cas, cela pourrait percer le tuyau et empêcher les pompiers de sauver des vies – tout en risquant de les blesser. En soi, une telle erreur pourrait également être causée par un humain, mais il est tout de même plus simple d’expliquer à un conducteur humain que la route est temporairement bloquée…
Le deuxième incident date de janvier 2023 et est une copie quasi conforme du premier : un incendie proche de la route, un tuyau qui traverse la chaussée et un véhicule autonome qui s’apprête à l’écraser. Cependant, il y a un plot twist : cette fois-ci, les pompiers ont tenté de dévier la voiture robot. Malheureusement, les combattants du feu n’y sont parvenus qu’en brisant une vitre du véhicule. Jonathan Baxter, porte-parole du service incendie de San Francisco, explique que les pompiers ont essayé durant 2 minutes d’arrêter le véhicule avant de se résigner à détruire une vitre.
Retrouvez aussi : Tesla, pourquoi la baisse des véhicules autonomes divise-t-elle autant ?
Des véhicules qui bloquent la route
Que se passe-t-il lorsque la liaison internet avec la plateforme est interrompue ? Les véhicules s’arrêtent, tout simplement. Une mesure de sécurité appréciable qui évite aux voitures autonomes de partir en roue libre, mais qui devient problématique quand elles s’arrêtent n’importe où…
Comment fonctionne une voiture autonome ?
Une voiture autonome fonctionne grâce à 3 équipements prérequis :
– Des caméras pour identifier la signalisation, les piétons, etc.
– Des radars pour analyser son environnement proche,
– Un système GPS pour configurer le trajet et localiser le véhicule dans l’espace.
Le 30 juin 2022, des taxis autonomes se sont justement retrouvés à l’arrêt et ont bloqué la circulation pendant des heures à San Francisco ! Une situation similaire a eu lieu en 2023, dans la même ville, où 5 véhicules autonomes ont bloqué un bus durant une dizaine de minutes. L’incident n’a heureusement pas duré longtemps cette fois-ci, mais même un blocage de quelques secondes peut être crucial si cela avait empêché une ambulance de circuler.
Des policiers en galère
Lorsqu’un humain enfreint le code de la route, un policier l’arrête et lui met une contravention. Le processus est simple et compréhensible par tous. Seulement : que se passe-t-il lorsqu’un véhicule autonome ne respecte pas le code ?
En avril 2022, des policiers ont tenté d’arrêter un véhicule autonome. Le motif ? La voiture robot n’avait pas allumé ses phares. On peut alors observer les agents ne pas savoir comment appréhender la situation, revenir à leur véhicule de service et voir le taxi autonome partir tout seul et s’arrêter une dizaine de mètres plus loin.
Cruise, le service de taxi autonome, a depuis réagi, expliquant que leur véhicule ne cherchait pas à fuir, mais avait trouvé un endroit plus sûr où se garer. La société a également indiqué qu’elle allait mettre un numéro spécifique à la disposition des forces de l’ordre pour les contacter si de telles situations devaient se reproduire.
Les véhicules autonomes : une utilité réelle en ville ?
Alors que les réseaux routiers en ville sont proches de la saturation, est-ce une bonne idée d’y ajouter de nouveaux modes de transport, d’autant plus que leur capacité reste pour l’heure assez limitée par rapport aux transports en commun ?
Pour Alexandre Rigal, chercheur spécialiste des mobilités à l’École urbaine de Lyon, c’est surtout « dans les zones rurales que les véhicules autonomes auraient la plus grande utilité« , tout en admettant que le projet est ambitieux. En effet, cela demanderait d’investir beaucoup d’argent pour équiper ces territoires d’infrastructures nécessaires pour accueillir des véhicules autonomes.
Les véhicules robot ne sont donc, pour le moment, pas prêt d’envahir les rues ; les autorités de San Francisco ont d’ailleurs témoigné récemment vouloir faire machine arrière. On devra pour l’heure se contenter de véhicules semi-autonomes, si tant est vous ayez le portefeuille adéquat pour vous offrir une Tesla (au hasard).